Araby
Temps de lecture: 8 min

À propos de l'histoire: Araby est un Fiction réaliste de ireland situé dans le 20e siècle. Ce conte Poétique explore des thèmes de Passage à l'âge adulte et convient pour Adultes. Il offre Moral aperçus. Le voyage d’un jeune garçon à travers la passion de sa jeunesse et la désillusion amère.
La rue était silencieuse et déserte dans le crépuscule, rompue seulement par les cris des enfants du quartier jouant dans la ruelle. Le garçon, notre narrateur, vivait dans l'une de ces maisons brunes et ternes de North Richmond Street, un lieu où les maisons se serraient comme des frères et sœurs maussades sous le lourd fardeau des cieux gris de Dublin. Depuis le seuil de sa porte, le jeune garçon regardait en face la maison où vivait la sœur de Mangan, dont la seule présence l’enivrait de pensées qu’il peinait à définir, mais qu’il ressentait déjà avec une clarté douloureuse. Dans la lumière faible, sa silhouette se transformait en un symbole éclatant d’une beauté inaccessible et d’un idéalisme inatteignable, un ange pour son cœur passionné.
Depuis chez lui, il apercevait la porte à moitié éclairée de l’autre côté de la rue, d’où elle apparaissait chaque soir, et il attendait dans une angoisse d’anticipation ne pouvoir voler qu’un bref instant à sa vue. Son obsession pour elle s’était enracinée dans son âme, un mélange embrouillé d’innocence juvénile et de la confusion naissante du premier amour. Chaque détail d’elle s’imprimait dans sa mémoire, ses gestes tels un ballet silencieux, son rire une mélodie lointaine.
Un jour, elle lui parla. Ce fut un moment fugace, peut-être insignifiant pour elle, mais pour le garçon, il représentait tout. La sœur de Mangan s’approcha de lui un soir, le crépuscule familier jetant des ombres douces sur son visage, et lui demanda s’il prévoyait d’aller au bazar, Araby. Le simple fait d’évoquer ce mot fit parcourir à ses veines une décharge d’excitation. Faute de pouvoir assister à la foire à cause de ses obligations au couvent, elle exprimait son regret de ne pouvoir y aller. Sa réponse immédiate et impulsive fut de lui promettre de lui rapporter quelque chose du bazar. C’était une décision qu’il prit sans hésiter, porté par l’allégresse de son engouement et par le désir de prouver qu’il méritait son attention. Dans son esprit, ce voyage vers Araby n’était pas seulement la concrétisation d’une promesse, mais une quête spirituelle, une opportunité de gagner ses faveurs et d’élever son existence banale vers quelque chose de plus grand, quelque chose de rempli de lumière et de beauté. Les jours passèrent. Il ne pensait plus qu’à Araby. Ses devoirs scolaires en pâtissaient, ses tâches domestiques devenaient de simples pensées en retrait, et ses rêves éveillés étaient envahis par des visions de ce que le bazar pourrait lui offrir. Il imaginait des étals regorgeant de trésors exotiques, des senteurs parfumées emplissant l’air, et lui-même trouvant le cadeau parfait, capable d’exprimer toutes les émotions qu’il éprouvait pour la sœur de Mangan, mais qu’il ne parvenait pas à formuler avec des mots. Il se voyait la recevant avec des yeux écarquillés, le visage illuminé de la même révérence qu’il éprouvait pour elle. Le jour du bazar arriva. Tout au long de la matinée, le garçon était agité, traversant sa journée comme en transe. Le temps semblait s’étirer alors qu’il attendait le moment où son oncle rentrerait à la maison pour lui donner l’argent nécessaire au bazar. Mais l’oncle se fit attendre, transformant l’excitation initiale du garçon en une frustration grandissante. Ce retard ressemblait à une cruelle blague cosmique, comme si l’univers lui-même conspirait contre sa mission. Finalement, tard dans la soirée, après maints délais, l’oncle revint, indifférent face à l’impatience frénétique du garçon. L’homme lui tendit l’argent avec une nonchalance désinvolte, ajoutant un commentaire taquin, comme si le voyage du garçon n’était qu’un caprice de plus. Le garçon, cependant, ne l’entendit pas, se précipitant déjà vers la gare, anxieux à l’idée de rejoindre Araby avant sa fermeture. Lorsque le garçon arriva au bazar, l’événement touchait à sa fin. Les étals, bien loin du tableau vibrant et enchanteur qu’il s’était imaginé, commençaient à se fermer, et l’atmosphère manquait de la magie qu’il avait espérée. Au lieu de cela, le garçon se retrouva face à des stands faiblement éclairés, des marchands peu enthousiastes, le tout enveloppé d’un sentiment de morne banalité qui tranchait violemment avec ses grandes attentes. Les quelques clients restants se déplaçaient avec désintéressement, la promesse de quelque chose d’extraordinaire réduite à une simple affaire de commerce ordinaire. Il erra sans but à travers les allées à moitié désertes, son cœur se serrant à la prise de conscience que la réalité d’Araby était bien éloignée de l’idéal romantique qu’il avait façonné dans son esprit. Les objets en vente n’étaient que babioles, communs et dépourvus de l’exotisme dont il avait espéré faire sa trouvaille. C’était comme si le bazar lui-même reflétait son tumulte intérieur, l’écart flagrant entre ses attentes et la réalité se dressant devant lui sans concession. À l’un des derniers étals ouverts, une jeune femme, qui daigna à peine lui accorder la moindre attention, lui montra nonchalamment quelques vases en porcelaine et des services à thé. Sa voix était détachée, son attitude indifférente. Elle échangea des plaisanteries légères avec deux Anglais, dont les rires lui parurent creux, lui rappelant la cruauté du monde et sa propre insignifiance. Le sentiment de détermination qui animait le garçon, la conviction que ce voyage avait un sens plus profond, commença à se défaire. Soudain, sa raison d’être là, la promesse du cadeau pour la sœur de Mangan, lui apparut ridicule. La quête romantique qu’il avait imaginée n’était guère autre qu’un rêve d’enfant, et le poids de la désillusion s’abattit lourdement sur lui. Son esprit, jadis empli de grandes idées et de nobles intentions, se mua en un vide, creusé par la amère réalité qui se présentait devant lui. Il se détourna de l’étal sans rien acheter, son espoir désormais éteint. Le garçon resta un moment de plus, regardant autour de lui les vestiges du bazar, la lumière tamisée projetant de longues ombres sur les stands en cours de fermeture. Le vide de la scène reflétait le vide qui le rongeait de l’intérieur, le fossé entre ce qu’il avait espéré et ce qu’il avait trouvé désormais trop grand pour être comblé. Alors qu’il se tenait là, perdu dans ses pensées, une réalisation brûlante le prit d’assaut. Le voyage vers Araby, la promesse qu’il avait faite, tout avait été dicté par le désir d’échapper à la monotonie de sa vie, de trouver quelque chose qui transcende la banalité de son existence quotidienne. Mais en pourchassant cet idéal, il avait oublié que le monde est indifférent à de tels rêves, que la réalité tombe souvent bien en deçà de la beauté que nous imaginons. Il avait été un imbécile, guidé par sa propre naïveté, et maintenant il se tenait au seuil de son enfance, regardant dans l’abîme de la désillusion. Le garçon quitta le bazar, le cœur lourd, les yeux brûlant de larmes refoulées. Le long chemin du retour fut solitaire, et à chaque pas, il sentait le poids de sa déception s’abattre sur lui. Le bazar avait été sa chance de s’évader, de trouver quelque chose de plus, mais il n’avait fait que confirmer ce qu’il redoutait déjà depuis longtemps – ses rêves n’étaient que des illusions, et le monde ne serait jamais à la hauteur de ses espérances. En approchant de sa rue, le garçon sentit les derniers vestiges de son enfance s’évanouir. L’image de la sœur de Mangan, autrefois si vive et emplie de lumière, semblait désormais lointaine, comme le souvenir décoloré d’un rêve qu’il ne pouvait plus retenir. Il savait que lorsqu’il la reverrait, les sentiments qu’il avait éprouvés jadis seraient altérés, teintés par la dure vérité qu’il avait apprise. Il atteignit sa maison, cette même structure brune et morne qui avait toujours été là, l’attendant. Rien n’avait changé, et pourtant, tout était différent. Le monde n’avait pas bougé, mais sa vision en était transformée. Il ne le voyait plus à travers le prisme de l’idéalisme juvénile, mais avec les yeux de celui qui avait appris, à la dure, que la réalité est souvent bien éloignée des rêves que nous construisons. À l’intérieur, la maison était silencieuse, à l’exception du tic-tac d’une horloge dans le couloir. Son périple vers Araby s’était achevé, non pas par le triomphe d’un héros revenant d’une quête, mais par la douce résignation d’un garçon qui avait compris que le monde n’était pas ce qu’il avait imaginé. Il s’assit dans la lumière tamisée de la pièce, bercé par les bruits de la ville qui s’infiltraient par la fenêtre ouverte, et pour la première fois, il comprit ce que signifiait grandir. L’obscurité s’ensuivit autour de lui, et il l’accepta. Ce n’était pas l’obscurité réconfortante d’une chambre d’enfant, mais la nuit froide et impassible du monde extérieur. Il porterait cette nuit en lui pendant longtemps, leçon d’Araby gravée dans son cœur. Le voyage était terminé, mais la connaissance de ce qu’il avait perdu resterait en lui, rappel discret et persistant que le monde n’est pas un lieu de magie et de merveilles, mais un lieu de limites et de rêves brisés. Dans le silence, il ferma les yeux, non pour rêver, mais pour accepter la vérité du monde qu’il percevait désormais avec une douloureuse clarté.Rising Action
Climax
Falling Action
Resolution